Bienvenue dans un monde où vivent en harmonie l’homme, la nature, le progrès. Bienvenue dans le monde Ushuaïa, Rhône-Poulenc.
Début 90′. J’avais une dizaine d’années. Dans le téléviseur du salon résonnait ce discours porté par une voix posée et rassurante, aussitôt suivi par un générique identifiable entre tous. Une mélodie tantôt apaisante, tantôt stimulante qu’illustrait une succession d’images aux couleurs infinies : des paysages saisis, survolés, capturés aux quatre coins du globe ; des incursions et autres exploits sportifs qui semblaient faire état d’une merveilleuse communion. Des scènes qui dévoilaient le monde en distillant son infinie beauté telle une pastille qu’on aimerait savourer sans fin. Un bonbon au goût d’évasion qui invitait à la contemplation et, par voie de fait, au respect.
Rhône-Poulenc ? Du haut de mon innocence, je crois me souvenir que je l’avais associé au Poulain qui me servait à « chocolater » le lait de mon petit-déjeuner. Ça ne pouvait être qu’une entité infiniment profitable, en phase avec le vivant…
J’avais dix ans et je me retrouvais – non comme il était envisagé certes mais néanmoins – otage d’une opération marketing visant à faire passer le loup pour un agneau. Et ça n’était que le début…
J’ai quarante ans aujourd’hui. Il paraît même un peu plus. La pastille est toujours là, posée, cachée sous ma langue. Par moment, je la sens qui m’envoie encore ses effluves. Il suffit de pas grand chose : une promenade en forêt, le fait de croiser un animal sauvage ou même mon pipi nocturne sous la voute céleste.Mais désormais, l’essentiel du temps, ce qui se manifeste à mon palais sont les relents putrides d’un monde qui meurt. Un vieux chewing-gum mâché trop fort, trop vite et qui ne délivre plus qu’un goût de salive qui frelate.
Rhône-Poulenc n’est plus à force de rachats et de fusions. À vrai dire, je n’ai pas effectué de recherches quant à leurs travaux et les conséquences qu’ils ont pu engendrer. Mais point d’inquiétude à ce sujet : ils sont nombreux les candidats à l’anéantissement, les malades de la devise, les négationnistes de l’évolution…